Quelques grammes de tendresse dans un monde brutal
Mais si « Black Book » n'a pas trouvé sa place dans cette programmation c'est pour laisser place à d'autres films qui valent autant le détour. Commencez par prendre rendez-vous avec un autre cinéaste toujours très attendu par les cinéphiles, à savoir l'incontournable Martin Scorsese. Ajouter y deux premier films. Le premier film d'un réalisateur australien agé de 20 ans à peine qui, avec « 2h37 », s'est payé le luxe de figurer en bonne place dans la sélection officielle « Un Certain Regard » au dernier Festival de Cannes. Le second de Julie Garvas, la fille de Costa-Gavras, qui signe un film qui nous plonge dans les années 70 vu de l'enfance. Enfin, complétez cette sélection, par le nouveau Haim Bouzaglo qui revient avec « Distorsion » et vous obtenez une bonne dose de très belles découvertes qui comblerons les cinéphiles les plus exigeants.
Pour son 27ème long métrage Martin Scorsese revient à ses premiers amours en nous proposant un nouveau film de gangsters. Par le biais d'un perpétuel retour aux sources du mal, depuis « Mean Streets » ce cinéaste ne cesse de s'attacher à la violence sous toutes ses formes et principalement à celles qui s'expriment dans la rue et qu'incarnent les malfrats. Au-delà de ce premier opus datant 1976 dans lequel Robert De Niro venait crever l'écran, on garde en mémoire de ce chapitre « Les Affranchis » et « Gangs of New York ». Ainsi « Les infiltrés » se présente comme étant un nouveau volet de ce qui restera comme une magnifique collection de films de gangsters vu par le maître genre. Après s'être intéressé à Howard Hughes dans son précèdent film, c'est donc une nouvelle invitation pour une descente aux enfers comme peu de cinéastes savent les filmer. De plus, histoire d'ajouter un peu de sel à votre impatience de découvrir ce film, sachez, une fois n'est pas coutume, qu'il s'agit là du remake du film hongkongais « Infernal affairs » d'Andrew Lau sorti il y a tout juste deux ans. Sachant les risques que représente l'adaptation d'une œuvre si récente que les cinéphiles ne manqueront pas de comparer, on peut penser que Martin Scorsese a mis tout son talent dans la balance pour en faire un film très personnel marqué par son propre style afin de se démarquer au mieux de l'original. Il faut préciser que dans sa carrière il n'en est pas à son coup d'essai pour ce type d'exercice puisqu'en 1992 il signait « Les Nerfs à vif », le remake d'un film datant de 1962 et en 1987 « La couleur de l'argent » se présentait comme la suite de « L'Arnaqueur » avec le légendaire Paul Newman. Mais qu'importe, quelque soit l'histoire, même si elle fut racontée des dizaines de fois de façons différentes, tout le talent d'un conteur est de vous faire croire que celle-ci est nouvelle. Ainsi, je ne doute pas une seconde que Martin Scorsese, au sommet de son art, vous fasse de nouveau décoller. D'autant plus que la distribution est largement à la hauteur de nos espérances. Deuxième collaboration avec le Maître, Leonardo Di Caprio se place de facto comme l'un des acteurs fétiches du cinéaste au même titre qu'a pu l'être Robert De Niro. Accompagné de Matt Damon et Jack Nicholson, ce film est indiscutablement un événement dont on aurait tort de se priver. Surtout lorsqu'il est projeté dans la superbe salle du Max Linder Panorama. A moins que vous ne préfériez l'Arlequin, la Pagode, ou encore l'Escurial Panorama.
Ce film vous passionne ? Allez le voir et en fin de séance seulement, je vous invite à découvrir en guise de bonus une analyse passionnante sur « Les Infiltrés ». L'occasion de prolonger le plaisir de découvrir une œuvre…
Alors que nous avons encore tous en mémoire le bouleversant « Elephant » de Gus Van Sant, « 2h37 » revisite le mal être auquel sont confrontés bon nombre d'adolescents issus du monde occidental. Profondément touché par le suicide de son amie Kelly, le jeune auteur Murali K. Thalluri se mit à écrire ce film dans la foulée. Il peut paraître évident que suite à la douleur que provoque la perte d'un proche dans ces circonstances, l'inspiration artistique ne peut être que pure et sans concession. Encore faut-il avoir le talent de le faire. Cela semble être le cas. Malgré le titre, l'histoire se déroule sur une journée entière dans un lycée au cœur de l'Australie, un pays qui malheureusement ne semble pas échapper problèmes inhérents à toute société moderne. Autodidacte, il nous propose ainsi un vrai film « coup de poing » qui semble tout droit sorti de ses tripes et qui ne manquera pas de vous toucher. En tous cas, à 20 ans, Murali K. Thalluri, nous prouve qu'il est possible de bousculer l'industrie cinématographie à tout âge pour se faire une place dans un univers déjà bien chargé. Parions donc que ce film ne soit que le premier d'un œuvre qui ne fait qu'éclore… A découvrir au Racine Odéon, mais aussi au Bretagne ou encore au Majestic Bastille.
Tout juste un mois après « Janem Janem », Haim Bouzaglo, le réalisateur franco-israélien, revient sur les écrans parisiens avec « Distorsion ». Cette fois, il nous plonge au cœur des attentats qui frappent Israël depuis des années. Ce nouveau film s'inscrit ainsi avec « Janem Janem » et « Côte à côte », encore inédit en France, dans une trilogie où le héros principal suit un parcours psychologique pour réapprendre à connaître son pays: Israël. Ainsi, il nous plonge dans le quotidien d'un metteur en scène de théâtre qui, en pleine phase d'écriture, va se trouver confronté à la terrible réalité des attentats-suicide. Ainsi, après s'être confronté à la question du travail clandestin dans son pays, Haim Bouzaglo se frotte à une autre réalité de son pays et nous permet ainsi de prendre la mesure du malaise d'une société israélienne en perpétuelle recherche de soit. A voir à l'Arlequin pour prendre la dimension d'un sujet d'actualité vu par un auteur-citoyen en plein questionnement.
Tel père telle fille pourrait-on dire. Avec « La faute à Fidel », c'est une toute autre artiste qui débarque dans ce paysage cinématographique si riche. Fille de Costa-Gavras, Julie nous invite à nous plonger dans son enfance quelque part dans l'Italie des années 70. Cet autre enfant de la balle démarra sa carrière de façon très classique en faisant ses classes en tant qu'assistante réalisatrice puis en réalisant un premier court métrage répondant au titre « Oh les beaux dimanches ! ». C'est par le biais du documentaire qu'elle arrivera à maturité entant que réalisatrice avec notamment « J'ai 17 ans, l'âge de raison » qui traitait de l'engagement politique des jeunes lors des élections présidentielles de 2002. Même son documentaire « Le Corsaire, le magicien, le voleur et les enfants » bénéficia d'une sortie en salle, « La faute à Fidel », apparaît bel et bien comme son ticket d'entrée dans le 7ème art. Un film qui s'annonce donc plein de fraîcheur avec quelques notes de tendresse dans un monde finalement très brutal. Laissez-vous ainsi porter confortablement installé dans votre fauteuil du Cinéma des Cinéastes.
Quant au reste de la programmation, je vous laisse consulter la liste complète des cinémas indépendants acceptant la carte « Le Pass ».
Bonne semaine dans les salles obscures… Et n'hésitez pas à me laisser vos commentaires !
Mr Vertigo